15 février 2013

Pys, oui, mais psy quoi ?

Maison en ruine, sur la route entre Meyrueis et Lanuéjols, Parc National des Cévennes.
Photo : Anaïs Cayla

Suite à l'amendement Accoyer, dans le cadre de la réforme globale Hôpital, Patient, Santé, Territoire initiée par Roselyne Bachelot, les psychothérapeutes ont vu leur titre soumis à conditions. L'amendement ne reconnaissant que les seules formations médicales et universitaires académiques, les personnes réellement formées à la psychothérapie dans des instituts universitaires privés ont vu leurs parcours méprisés et niés tandis que médecins généralistes et médecins psychiatres se sont vus accordé le droit de se déclarer psychothérapeute en dépit de toute formation spécifique.

Pour éclairer cette situation des extraits d'une lettre ouverte de Lucien Tenenbaum* à l'attention du Directeur Général de l'Agence régionale de santé de la région PACA, concernant la législation du titre de "psychothérapeute".



Lettre ouverte

Objet : Mon inscription sur le registre national des psychothérapeutes

Madame, Monsieur,

Je me permets de vous informer que je ne demande pas à être inscrit sur le registre national des psychothérapeutes, bien que je sois psychiatre de formation, que j’exerce la psychothérapie depuis plus de vingt ans, que je l’enseigne et que je continuerai de l’exercer et de l’enseigner.
La raison principale en est que le titre de psychothérapeute, dans les conditions où il est défini par le décret n°2010-534 du 20 mai 2010, n’offre aucune garantie de compétence pour le public et risque même de l’induire en erreur. Ce constat se fonde sur mon expérience professionnelle et mon expérience de consultant.
[...] 


Mon expérience clinique de psychiatre puis de psychothérapeute, mon expérience d’enseignant et de formateur, mon expérience de patient lors de plusieurs tranches de psychanalyse et de psychothérapie m’ont permis de définir ce qui peut former la compétence d’un (une) psychothérapeute.
Sur cette question, je me trouve pleinement en accord avec les associations des professionnels de la psychothérapie qui ont dressé la liste des conditions nécessaires et indispensables à toute formation de psychothérapeute :
  • une psychothérapie personnelle approfondie [...] ;
  • une formation théorique, méthodologique et pratique à une méthode reconnue [...] ;
  • une formation en psychopathologie clinique [...] ;
  • une supervision permanente tout au long de la pratique professionnelle [...] ;
  • l’engagement de se conformer à la charte déontologique de la profession ;
  • l’accréditation par une commission nationale de pairs.
Animé du souci légitime de protéger le public, mais ignorant de la réalité des pratiques sur le terrain et manquant d’une évaluation du travail accompli par les Instituts de formation de psychothérapeutes, le législateur aboutit au résultat paradoxal d’attribuer un titre qui ne garantit plus la compétence des praticiens. Les conditions définies dans le texte du 20 mai 2010 ignorent en effet les recommandations posées par les professionnels eux-mêmes.

Elles ne sont pas exigées des diplômés qualifiés es qualités à postuler ce titre, comme les médecins ou les psychologues dont la formation universitaire ne comporte ni une formation théorique et pratique aux techniques spécifiques de la psychothérapie, ni un travail thérapeutique personnel, ni l’engagement à la supervision, ni l’accréditation à l’exercice spécifique de la psychothérapie par des pairs. Ces carences préoccupantes dans la formation des médecins et des psychologues amenés à exercer la psychothérapie empêchent de prendre en compte quand il en est encore temps des problèmes de personnalité qui peuvent être à l’origine de dérives graves.
[...]
Le titre de psychothérapeute délivré dans ces conditions n’est pas en mesure d’assurer le public de la qualité du service qu’il attend de ces professionnels. Vous comprendrez que je ne souhaite pas le porter. [...]

Lucien TENENBAUM


Peut-être pourrions-nous interroger ensemble de quoi cette réforme est-elle le symptôme ? La nécessité officielle de ce décret serait, selon les propos de Bernard Accoyer , de protéger les usagers contre les "gourous", les "abuseurs", d'éviter les "dérives" possibles. S'il est certain que des dérives existent - mais quel métier peut prétendre en être totalement protégé et exempt ? - je crois que les raisons de cette stigmatisation d’État sont plus sournoises, plus inquiétantes. Notre approche humaniste, relationnelle, inquiète en effet les bons penseurs. Car les visées de nos accompagnements thérapeutiques tendent à ce que chaque personne trouve une capacité à faire des choix, à se responsabiliser, à être en accord avec ses propres désirs. Le système sociétal ne serait-il alors plutôt effrayé par le risque de voir ses valeurs être remises en cause ?


Pour une lecture complète de la lettre, vous pouvez vous rendre sur ce site.

*Médecin du service public de psychiatrie pendant 22 ans, attaché d’enseignement clinique aux Universités de Strasbourg et de Nice, psychothérapeute pendant 22 ans dont six comme psychiatre conventionné, enseignant la psychopathologie dans plusieurs Instituts de formation à la psychothérapie et supervisant des praticiens de cette discipline.

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